En tournée à Bledungen
Lorsque l'on est jeune chercheur(e) comme moi, toute la difficulté est
de se faire connaître dans sa communauté scientifique. Il faut que
notre nom soit cité, nos travaux appréciés, en somme, devenir une référence dans
son domaine. Et cela est loin d'être facile lorsque l'on n'a pas de
piston et qu'on n'est pas intégré à un réseau de chercheurs. Alors, on
court les colloques, on va faire des conférences à droite à gauche.
Chaque colloque se termine toujours par un repas au restau où il est
fondamental de s'asseoir stratégiquement à côté de machin ou de truc
qui est connu pour pouvoir le baratiner avec notre thèse. Je dois dire
que je suis assez lamentable dans le placement stratégique. En général,
machin ou truc est déjà entouré d'autres individus (amis ou autres
chercheurs intéressés et plus rapides que moi) et je finis toujours par
dîner à côté d'un vieux professeur déchu qui me bassine avec sa vie
tout en remplissant inlassablement mon verre de vin (et le sien par la
même occasion) ou bien avec d'autres doctorants très sympa avec qui je
tisse des liens amicaux mais rarement scientifiques. L'année dernière, je suis allée à un gros
colloque à Lyon où il y avait vraiment du beau monde mais je me suis
assez mal débrouillée pour le placement stratégique, je n'ai pas pu
être assise à côté des quelques chercheurs que je convoitais. J'ai donc
dîné avec deux autres doctorantes (une Anglaise et une Japonaise) avec
qui j'avais sympatisé. S'installent ensuite à côté de nous, plusieurs
personnes que nous ne connaissons pas. La femme à côté de moi, une
américaine, avait une masse de cheveux blonds et bouclés incroyable. Au
bout d'un moment, j'avais un peu bu, je me tourne vers elle et je lui
demande en anglais: "On ne vous a jamais dit que vous ressembliez à
Carrie Bradshaw dans Sex and the City?". Pas de pot, c'était en fait
une chercheure super connue...je n'avais jamais vu sa tête donc je ne
pouvais pas le savoir...cela dit, elle a bien ri...
Tout ça pour
dire que faire son trou, ce n'est pas facile...J'ai rencontré à Lyon,
une autre chercheure assez connue que j'aimerais beaucoup avoir dans
mon jury de thèse et voilà-t-y pas qu'avant-hier, je reçois un courriel
de cette personne m'invitant, moi, à présenter mes travaux devant un
petit groupe de chercheurs très select (et connus pour la plupart). La
classe! C'est dans 15 jours et à Bledungen (vous reconnaissez bien là
mon talent pour inventer des noms de ville). Bledungen comme son nom
l'indique (enfin je l'espère) est au fin fond de la Hollande...6 heures
de train pour y aller...mais franchement ça vaut la peine! Car là, des
contacts, je vais en faire, c'est sûr! En plus, dans la mesure où je
suis invitée, mes frais sont pris en charge par l'Université de
Bledungen. Re-la classe!
Bref, depuis 2 jours, je suis dans un
état d'excitation intense! Mon site web préféré est celui de la
compagnie ferroviaire hollandaise. J'ai programmé je ne sais pas
combien d'itinéraires pour voir le plus rapide et le moins complexe
pour me rendre à Bledungen. J'ai aussi préparé le Power Point de ma
présentation...en somme c'est la panique! Mais ça fait du bien car je
reviens de loin. En effet, j'évolue dans un département universitaire
(UFR) dans lequel la majorité des chercheurs méprisent ce que je fais
car nous ne sommes pas du même monde scientifique. Hier encore, un
doctorant que je croyais de mon côté, m'a déclaré que lui faisait "de
vraies expérimentations" dans sa thèse...ce qui signifie que les miennes
relèvent de l'amateurisme! N'empêche que moi, je suis invitée à
Bledungen...na!